Les actes antireligieux

NEWSLETTER N°14 – MARS 2023

Raison de plus pour un enseignement du FAIT RELIGIEUX AU TEMPS PRESENT 

Préalable

La définition de l’acte antireligieux est « floue ». Le Code pénal ne prévoit pas de qualification pénale autonome englobant tous les actes antireligieux. Le code pénal les appréhende cependant au travers de la notion générale de circonstance aggravante, du droit de la presse et de la lutte contre les discriminations. Les propos contre la religion, qui relèvent de la liberté d’expression, ne font pas partie des actes antireligieux.

Les faits

Le Ministère de l’intérieur a recensé un total de 1 659 actes antireligieux en 2021 (857 actes antichrétiens, 589 actes antisémites et 213 actes antimusulmans). Dans le détail, si les actes antimusulmans sont en nombre inférieur à ceux visant les autres religions, ils sont en forte augmentation par rapport à 2019 : + 38 %, sachant que l’année 2020 n’a pas été prise en compte en raison de la crise sanitaire. Le nombre d’actes antichrétiens est quasiment stable depuis 2018. Le nombre d’actes antisémites est en décroissance : 589 en 2021 pour 687 en 2019…mais ils n’étaient que de 541 en 2018. En sus de cette approche quantitative, les actes constatés sont qualifiés de plus en plus violents. 

Au regard du flou de la définition des actes antireligieux, 92% des cas recensés en 2021 concernent des atteintes aux biens, donc sans contestation possible.

Suites données

Face à ce constat, en décembre 2021, le Premier Ministre a chargé deux députés d’une mission parlementaire visant à faire des recommandations pour lutter contre les actes antireligieux. Leur rapport a été remis au premier ministre en mars 2022, comprenant réserves et recommandations.

Pour les réserves, ils précisent que les chiffres sont sous-estimés, notamment du fait des réticences à porter plainte. Ils relèvent « une intensification de la violence » et rappellent bien qu’en dehors des actes antireligieux « une multiplication des messages de haine sur les réseaux sociaux ». 

11 propositions sont faites, résumées et agrégées ci-dessous

– mieux communiquer sur les chiffres et les dispositifs mis en œuvre

– augmenter les crédits destinés à poursuivre l’effort pour sécuriser les lieux de culte ; recommander aux cultes de mieux se structurer ; nommer un référent sécurité départemental

– favoriser le dialogue sur le terrain ; mieux connaître, prévenir et réprimer les actes antireligieux sur Internet ; mieux accompagner et informer les victimes tout au long de la procédure judiciaire

– poursuivre les efforts pour que les qualifications pénales actuelles soient appliquées ; affiner progressivement la connaissance des actes antireligieux

– mieux éduquer au fait religieux et réaffirmer ce qu’est le principe de laïcité

La dernière recommandation citée étant particulièrement en phase avec des propositions du CLUB-ECEF, elle est développée ci-dessous bien que classée dixième dans la liste des onze recommandations et considérée comme une recommandation pour le long terme.

Cette recommandation « Mieux éduquer au fait religieux et réaffirmer ce qu’est le principe de laïcité » découle de l’analyse de situation faite dans un chapitre intitulé « La lutte contre les discriminations par l’éducation et la connaissance de l’autre »

Concernant la discrimination, l’accent est mis sur le départ d’enfants de la communauté juive, de l’école publique vers des écoles privées pour des raisons de sécurité. La conclusion est que la prévention du racisme et de l’antisémitisme dans la vie scolaire doit être inscrite dans chaque projet d’école ou établissement.

– Concernant l’éducation au fait religieux, comme le rappelait le rapport Régis Debray de 2002, est souligné le besoin crucial de connaissance de l’autre et de rupture de « l’ignorance du passé pour mieux se saisir du présent ». L’Éducation nationale a donc développé un module pour les enseignants sur « l’enseignement laïque des faits religieux ». Des progrès semblent toutefois encore nécessaires, dans le droit fil des préconisations de ce rapport et en entière cohérence avec le principe de laïcité.

La recommandation du rapport des deux députés, « Face à la méconnaissance du fait religieux et le défaut de compréhension du principe de laïcité », comprend plusieurs pistes :

mobiliser davantage les ressources associatives et la société civile en général.

 – faire évoluer les programmes scolaires pour davantage intégrer l’enseignement laïque du fait religieux, de manière à ce que la thématique traverse les matières (histoire, lettres, art…) de façon cohérente.

 – continuer à former et sensibiliser les enseignants à la laïcité et au fait religieux, à les outiller pour les situations difficiles et s’assurer d’une remontée systématique par les établissements en cas d’incident.

Elle rappelle que l’efficacité de ce travail éducatif passe aussi par la sécurité et la non-discrimination de tous les enfants et étudiants à l’École

Ce rapport date de mars 2022.

Dans la présentation du plan de lutte contre les discriminations et l’antisémitisme le 30 janvier 2023, la Première Ministre commençait par : « L’éducation et la formation occupent une place majeure dans le plan gouvernemental ».

Ce plan comporte 80 mesures dont 15 dites phares qui comprennent les suivantes :

N°1 : organiser une visite d’histoire ou de mémoire liée au racisme, l’antisémitisme ou l’antitsiganisme pour chaque élève durant sa scolarité,

N° 3 : organiser une journée de formation pour tous les enseignants et personnels des établissements scolaires sur les enjeux de racisme, d’antisémitisme, d’antitsiganisme et des discriminations.

Point de vue du CLUB-ECEF :

L’importance attachée à ces questions : actes antireligieux, discrimination, antisémitisme… ne faiblit pas au contraire, comme le montre des deux mesures ci-dessus.

Cependant le droit fil des préconisations du rapport Debray rappelé dans le rapport de mars 2022, qui conduit au fait que l’enseignement du fait religieux n’est pas une discipline identifiée, n’a pas d’horaire spécifié, n’a pas d’enseignants spécifiquement formés… ne semble pas être remis en cause. Il en serait de même du fait que cet enseignement, restant transverse, est abordé à l’occasion d’autres disciplines (histoire, lettres, arts …)  et donc ne traite pas du temps présent.

Dans cette droite ligne, qu’en est-il alors du besoin crucial de connaître l’autre, quand l’autre est le camarade de classe et qu’il s’agit de le connaître, de le reconnaître et de l’accepter aujourd’hui.

Est-ce que le recours aux ressources associatives serait une voie. Il s’agirait, dans un cadre périscolaire d’interventions traitant du fait religieux au temps présent en complément des autres enseignements ?

Ce recours pourrait-il aussi être une deuxième voie de par la société civile en faisant appel aux parents pour ce temps présent dans un cadre de coéducation ?

Pour le CLUB-ECEF, il serait urgent d’apporter une réponse à ces questions. C’est un enjeu majeur pour la société de demain. L’éducation nationale devrait, en lien avec les fédérations de parents d’élèves et les associations concernées, se montrer motrice de cette nécessaire évolution, avec en priorité, une révision de son process de formation à la laïcité et au fait religieux.

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